Il s’agit de mon quatrième article sur la CSRD en un peu plus d’un an, et il faut dire que les rebondissements sont nombreux !
Je vous ai d’abord partagé mon point de vue sur l’arrivée de la CSRD et sur la manière dont elle a été conçue, cherchant un équilibre entre la standardisation du reporting et l’adaptation spécifique au contexte de chaque entreprise. (cf : L’arrivée de la CSRD : bonne ou mauvaise nouvelle pour les entreprises ?)
Ensuite, je vous ai présenté les premiers enseignements tirés du travail opérationnel de mise en œuvre de la CSRD dans les entreprises, les bons réflexes à adopter et les pièges à éviter. (cf : De laRSE volontaire à la RSE réglementaire (CSRD)).
Enfin, je me suis concentrée sur un point névralgique de la démarche : la détermination des impacts ou incidences, risques et opportunités (IRO), qui conditionne à la fois les enjeux stratégiques de l’entreprise et de son modèle d’affaires, ainsi que son périmètre de reporting. (cf : IRO et CSRD : entre défi et opportunité.)
Pour poursuivre la série, je vous propose de revenir sur les derniers changements engendrés par la directive Omnibus de simplification. Alors que les entreprises concernées par la première vague terminaient leur tout premier rapport de durabilité façon CSRD, un report pour les entreprises des vagues suivantes, ainsi qu’une simplification générale à venir, ont été actés. (Voir l’image Slide conséquences Omnibus)

Pourquoi en est-on arrivé là ?
Plusieurs facteurs se sont conjugués : le premier est la complexité de compréhension et de mise en œuvre de la CSRD. Le langage normatif, la discontinuité entre les sujets de durabilité (AR16) – les IRO (à la main des entreprises) – et les nombreux points de données potentiels ont engendré une perception d’ »usine à gaz » pour les entreprises. Il est vrai que le coût d’appropriation pour les équipes RSE (lorsqu’elles existent !) et, a fortiori, pour les collaborateurs dont ce n’est pas le métier est élevé, avant de pouvoir envisager le pouvoir transformatif de l’exercice – qui est pourtant réel.
À cela se sont ajoutés les premiers audits, avec leur lot d’incompréhensions entre les demandes de certains auditeurs et les réalités opérationnelles des entreprises, conjuguées à des coûts parfois déraisonnables. Il n’en fallait pas plus pour qu’un certain nombre de représentants économiques montent au créneau pour tirer la sonnette d’alarme — on peut les comprendre.
Le second facteur est le contexte politique européen et mondial. Tout d’abord, le rapport Draghi explique de manière argumentée l’écart croissant entre le PIB de l’Union européenne et celui des États-Unis, et l’urgence pour l’Europe de réagir face à ce « décrochage » de compétitivité. Bien que les leviers pour retrouver de la compétitivité, identifiés dans le rapport, concernent notamment la décarbonation et la maîtrise des chaînes d’approvisionnement, deux éléments centraux de la CSRD (ESRS 2 et E1), l’interprétation simpliste a été : « supprimons des normes ».
Évidemment, l’élection de Donald Trump et l’incertitude que cela fait peser sur l’économie mondiale ont renforcé la dépriorisation du temps long qu’imposent les réflexions sur la durabilité.
À l’inverse, pendant ce temps, une information curieusement passée sous les radars mais pourtant cruciale : la Chine accélère sur le reporting extra-financier !
Elle va mettre en place une obligation de divulgation de données ESG pour ses entreprises cotées, avec ses propres standards. Cette approche s’inspire clairement de la CSRD, avec notamment le principe de double matérialité et des déclinaisons sectorielles. L’objectif est de répondre aux attentes des parties prenantes et de renforcer la compétitivité des entreprises chinoises. De quoi sérieusement nous interroger sur les conséquences d’un recul trop important en Europe sur le reporting de durabilité…