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De la RSE volontaire à la RSE réglementaire

Décryptage par Anne-Laure Simon. Co-dirigeante de l'Agence Déclic.
Publié le 10 Septembre 2024

Ça y est, nous sommes plongés dans cette nouvelle réglementation : la CSRD. On en a beaucoup parlé l’an dernier et depuis 9 mois maintenant, c’est une réalité dans les entreprises. Il y a celles dites « matures » qui avaient déjà une démarche RSE depuis plusieurs voire de nombreuses années, et puis il y a celles pour qui les sujets de durabilité sont nouveaux et importés par cette nouvelle réglementation.

On a voulu s’intéresser à ce qui change dans les organisations depuis le 1er janvier 2024 :

  • Comment les entreprises s’adaptent-elles à cette bascule d’une approche volontaire à une approche réglementaire ?
  • Quelles sont les conséquences et les principaux changements au sein d’une organisation pour se conformer ?

Voici donc une synthèse des constats que nous avons pu faire dans l’accompagnement de nos différents clients.

Tout d’abord, ce qui ne change pas par rapport à une démarche RSE volontaire :

L’importance de l’implication des dirigeants dans la CSRD

Comme pour une démarche RSE volontaire, la compréhension et le soutien positif des dirigeants est nécessaire pour que ce sujet éminemment transverse puisse être considéré comme stratégique dans l’entreprise. Si les dirigeants perçoivent la RSE comme « un supplément d’âme », la CSRD comme de simples tableaux de reporting à remonter, ou pire, un sujet à contourner, vous allez au-devant de grandes difficultés.  En effet, comme pour une démarche volontaire, il est indispensable que le top management ait bien perçu les tenants et aboutissants et ait pris la mesure du lien avec la stratégie et les choix de l’entreprise (carbone, RH, achats…).

Ces derniers mois, nous avons animé chez nos clients des temps de formation / sensibilisation des codir, comex à la CSRD pour les synchroniser sur le sujet, y compris dans des entreprises déjà très engagées sur ces sujets.

Cela est particulièrement utile, car derrière cette réglementation, c’est l’intention de mettre l’extra-financier au niveau du financier et donc toutes ces conséquences qu’il est important de comprendre.

Allouer les ressources nécessaires pour réussir la transition CSRD

Pour qu’une démarche de durabilité fonctionne, il est indispensable d’y consacrer des ressources (temps internes, conseils/études, investissements…). Ça ne change pas avec la CSRD, cela s’accroit même, en tout cas les premières années, le temps de faire l’indispensable travail de structuration (chaine de valeur, matrice de double matérialité, premier reporting…). Ainsi le sujet ne peut être mis dans les mains de quelqu’un ou quelques-uns, en plus de leur poste qui travailleront cela à leurs heures perdues…

Souvent pas suffisamment anticipée en 2024, il apparait comme nécessaire d’intégrer dans les budgets et dans les plans de charges le travail nécessaire pour la mise en place de la CSRD conjointement avec les sujets RSE déjà en cours au sein des entreprises qu’il convient de poursuivre. Des arbitrages seront probablement nécessaires si les augmentations de budgets ne sont pas envisageables.

Maintenir la stratégie et les actions au cœur de la démarche

Voir loin, construire et déployer un plan d’actions pluriannuel pour progresser dans tous les services de l’entreprise pour intégrer les principes de durabilité, c’est le cœur d’une démarche RSE dynamique ! Ça ne change pas avec la CSRD, puisque celle-ci intègre dans les éléments de reporting attendus, la stratégie en lien avec le modèle d’affaire, des plans de transitions, politiques et actions sur le court, moyen et long terme. Ainsi, les entreprises qui se contentaient d’actions éparses vont devoir charpenter leur démarche et celles qui avaient déjà une structuration moyen-long terme vont pouvoir s’appuyer fortement dessus.

Après avoir vu ce qui ne change pas… zoomons sur les principaux changements que nous avons pu constater dans les entreprises que nous accompagnons.

L’analyse scientifique, clé pour un reporting CSRD rigoureux

En matière de CSRD, vous allez devoir établir votre périmètre de reporting : conserver ou exclure certains sujets de durabilité pour lesquels vous êtes ou non concernés. La réflexion doit être menée en prenant en considération l’ensemble de votre chaine de valeur et ne pas s’arrêter aux portes des activités de l’entreprise. Pour cela, vous ne pourrez pas vous appuyer uniquement, sur votre bon sens, les échanges avec vos collègues en internes ou vos parties prenantes externes. Avec la CSRD, vous devez « muscler » vos analyses, notamment en vous appuyant sur des études scientifiques, des benchmarks. L’idéal est de chercher une triangulation, c’est-à-dire 3 sources différentes (dont les parties prenantes) pour établir si le sujet de durabilité concerne l’entreprise.

On observe des difficultés à trouver des informations, plus on remonte ou descend dans la chaine de valeur, la CSRD laisse plusieurs années pour mener à bien ce travail. C’est un changement à la fois de périmètre et de rigueur d’analyse pour les entreprises.

Traçabilité et audit dans le cadre de la CSRD

À la différence d’une démarche volontaire pour laquelle, l’entreprise fait le choix de se faire évaluer, avec la CSRD, il y aura un audit. Il faudra donc rendre compte et être en capacité de justifier les choix réalisés. Ainsi, des sujets de durabilités en passant par la détermination des Incidences, Risques, Opportunités (IRO) et leur cotation, il vous faudra tracer le travail effectué. Au-delà de l’auditeur, cela facilitera la mise à jour. Vous pouvez ainsi consigner les réunions dédiées avec les différents participants, voire les retranscrire. Vos documents de travail devront également expliciter la méthode employée, par exemple pour la cotation des IRO.

C’est une vraie différence avec les démarches volontaires.

Le rôle accru de la finance dans le reporting extra-financier

La finance rentre clairement dans la danse, pour 2 raisons principales : premièrement un certain nombre d’informations financières sont nécessaires : matérialité financière (cotation des risques et opportunités financières), données financières dans le reporting de certaines thématiques (changement climatique par exemple).

Deuxièmement, la collecte, la fiabilisation des informations notamment quantitatives et la capacité à produire et à suivre des tableaux de bords sont des compétences pas forcément présentes dans les services RSE (quand ils existent !) mais largement répandu dans les services finances, contrôle de gestion. Comme je vous le disais, il s’agit de mettre l’extra-financier au même niveau que le financier donc utiliser des méthodes de reporting comparables, des timing cohérents… bref, il s’agit d’un élargissement du périmètre d’action des services de contrôles de gestion, car la performance de l’entreprise se mesure désormais avec des données complémentaires.

Gérer la double feuille de route : RSE et CSRD

À ne pas confondre, vous allez avoir ou continuer à avoir une feuille de route RSE, garante des stratégies et actions à mener en matière de RSE avec les différents services (réalisation du bilan carbone et de la stratégie de décarbonation, éco-conception de telle gamme de produits, sensibilisation à la lutte contre la discrimination…). Celle-ci à vocation à coordonner les actions entre les services et à permettre aux collaborateurs d’intégrer dans leur métier les sujets de durabilité.

En parallèle, vous devez mener le reporting CSRD qui lui aussi est récurrent, mais présente des contraintes (délais, format, outils…) différent de la mise en œuvre d’une démarche RSE. Ainsi, il s’agit d’une approche plus technique de collecte, fiabilisation, production d’un rapport qui ne concerne pas forcément les mêmes personnes que celles en charge de porter et déployer les actions.

Il me parait pertinent de mener ces 2 approches en parallèle avec un service ou une personne en charge de faire la passerelle sans chercher à ce que l’ensemble des collègues maîtrisent les 2. En effet, vous avez un risque de « noyer » vos collègues avec des informations techniques CSRD avec un vocabulaire normatif qui peut agir comme repoussoir vis-à-vis des collègues plus éloignés de ces sujets. Quelques personnes doivent maitriser la CSRD (son vocabulaire, ses attendus) et l’ensemble des collègues doivent avoir envie de toujours améliorer leurs pratiques et de le partager ! Aux binômes RSE et finance de faire le funambule entre les 2 !

En synthèse, avec la CSRD, ce que vous devez poursuivre : on ne lâche rien !

  • Embarquer le top management
  • Avoir un budget et des ressources internes bien dimensionnées
  • Ne pas lâcher les actions RSE en cours

Ce que vous devez probablement faire évoluer

  • Constituer un binôme RSE / finance pour mener à bien dans la durée la CSRD
  • Vous basez sur des données scientifiques rigoureuses pour vos analyses
  • Tracer votre travail pour pourvoir en rendre compte au CAC ou à l’OTI
  • Avoir une feuille de route RSE (stratégie/actions) partagée avec les collègues et un plan d’action CSRD (collecte, rapport) plus technique à destination de ceux en charge du reporting

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