Qu’est-ce qu’une matrice de double matérialité ? Comment faire une analyse de matérialité RSE ?
L’Agence Déclic vous explique tout ce que vous devez savoir sur la matrice de double matérialité appliquée par la CSRD.
Avec la mise en application progressive de la CSRD s’accompagne l’introduction d’un nouveau concept, encore mystérieux pour beaucoup, nous avons nommé : la Matrice de double matérialité. Derrière cette dénomination, abstraite et – on peut se l’avouer – peu attrayante, se cache en fait un outil d’évaluation approfondie de la performance et de l’impact des entreprises en matière de durabilité. On vous explique tout !
Qu’est-ce que la matérialité en RSE ?
A l’origine, la matérialité est une notion comptable permettant d’identifier les informations susceptibles d’avoir un impact financier sur l’entreprise. Pour faire simple, en RSE, la matérialité permet de prioriser les enjeux RSE susceptibles d’avoir un impact – financier ou non – sur l’entreprise.
Exemple d’une matrice de matérialité simple dans le cadre d’une démarche RSE.
Les aficionados de la RSE connaissaient déjà la matrice de matérialité consistant à évaluer le niveau d’importance et de performance des entreprises sur un certain nombre d’enjeux – permettant ainsi de prioriser leurs actions.
Prenons un exemple concret de matérialité simple.
Une PME dans le BTP appelée “Le Bâti du Génie” entreprend sa démarche RSE et afin de construire sa feuille de route, souhaite prioriser ses enjeux (étape clef – rappelons-le pour une démarche réaliste et efficiente).
L’un des enjeux pré-identifié est le suivant : “le développement de nouveaux modes d’habitat”. Il se trouve que cet enjeu est primordial pour l’entreprise dont le secteur connait une hausse importante des réglementations, notamment avec l’objectif de Zéro Artificialisation Nette d’ici 2050. Le sujet est donc considéré comme important pour l’entreprise (axe vertical).
Cela étant dit, nos génies du bâti s’interrogent alors sur leur niveau de performance sur cet enjeu (axe horizontal).
Il se trouve que, bien que très innovants sur un certain nombre de sujets, leur activité de promotion immobilière consiste encore majoritairement à construire du neuf sur des terrains verts. De fait, leur niveau de performance est faible et l’enjeu devient prioritaire.
A contrario, l’entreprise est très performante en matière d’égalité femme-homme avec 55% de femmes représentées au sein de ses instances de gouvernance et un bon index égalité professionnelle. Cet enjeu social ne sera donc pas considéré comme prioritaire.
Point sémantique : Ce niveau de priorisation équivaut à la qualification de “matérialité”. C’est-à-dire que chaque enjeu que l’on retrouve dans l’encadré rouge (ci-dessus) – autrement dit, chaque enjeu prioritaire – va être qualifié d’enjeu “matériel”.
Définition et explication de la matrice de double matérialité dans la directive CSRD.
Cette notion, véritable pierre angulaire de la CSRD, est à l’initiative de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) – la fameuse institution à laquelle nous devons nos très chères ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ! Mais alors que nous dit l’EFRAG ?
Et bien l’EFRAG va plus loin en ne s’intéressant non plus seulement à l’impact que les normes extra-financières (nos fameux enjeux RSE) sont susceptibles d’avoir sur l’entreprise, mais également à l’impact que l’entreprise va avoir sur ses parties prenantes et sur l’environnement. La matérialité financière d’une part (approche investisseurs) et la matérialité d’impact de l’autre (approche plus globale intégrant les parties prenantes).
En d’autres termes, nous passons d’un prisme micro (à l’échelle de l’entreprise) à un prisme plus macro (l’entreprise, ses parties prenantes et son environnement).
Le principe : La présomption de matérialité sur toutes les ESRS de la CSRD
Concrètement, ce que nous disent la Directive et le dernier acte délégué, c’est que le principe de présomption de double matérialité gouverne pour la majorité des ESRS (à l’exception de quelques-unes*).
Chaque entreprise concernée par la CSRD aura ainsi pour obligation de se plier à l’exercice de la matrice de double matérialité pour la quasi-totalité des ESRS afin de démontrer que tel ou tel enjeu (ESRS) est ou non matériel et donc, prioritaire.
Sur cette base, l’entreprise sera dans l’obligation de divulguer les informations de reporting demandées pour l’ensemble des ESRS considérées comme matérielles/prioritaires.
A savoir :
Seules les 2 ESRS issues des « critères généraux » sont considérées de manière absolue comme matérielles pour les entreprises soumises à la CSRD – soit obligatoires et non soumises à l’exercice de matrice de double matérialité.
S’agissant de la majeure partie des autres normes, le principe de présomption prévaut. De fait, c’est sur la base d’une matrice de double matérialité que chaque entreprise devra prouver que tel ou tel enjeu (norme ESRS) n’est pas matériel.
Quelques normes sont quant à elles facultatives depuis le dernier acte délégué (soit, non soumises à cette analyse de matérialité). On peut notamment citer le plan de biodiversité (ESRS E4) et les données sur les travailleurs temporaires (ESRS S2).
La mise en pratique de l’analyse de la double matérialité.
L’Agence Déclic s’est penchée sur le sujet de la CSRD depuis un certain temps déjà, de sorte à accompagner ses clients dans l’anticipation de cette réglementation. De la création d’une Fresque de la CSRD à la mise en œuvre concrète de la matrice de double matérialité, nous avons d’ores-et-déjà eu l’occasion de nous plier à l’exercice pour un certain nombre de nos clients.
Exemple d’une matrice de double matérialité dans le cadre d’une démarche RSE.
Une grande entreprise du secteur de l’industrie agroalimentaire, spécialisée depuis 100 ans dans la production de sablés bretons et soumise à la règlementation CSRD, s’est prêtée à l’exercice de construction de sa matrice double matérialité. Les résultats lui ont donc permis de déterminer le niveau d’importance de ses enjeux en fonction de l’impact que ses activités peuvent avoir sur sa chaine de valeurs et l’environnement, et inversement l’impact que le changement climatique peut avoir sur son entreprise.
A l’issue de cet exercice, certains enjeux ont été identifiés comme étant très importants.
Comment qualifier un enjeu d’important et donc de “matériel” d’un autre qui ne le serait pas ?
Prenons l’exemple de l’enjeu « biodiversité » pour notre entreprise industrielle. Avant de pouvoir proposer à la vente ses sablés bretons il est nécessaire de les fabriquer ! La totalité des matières premières entrantes dépendent de ressources naturelles, telle que la farine ou encore le lait pour la conception du beurre.
Une difficulté d’accès à ces ressources apporterait un lot de complications à notre entreprise bretonne, qu’elles soient stratégiques ou opérationnelles. Le niveau d’importance de l’enjeu “biodiversité” est donc élevé pour cette entreprise qui en dépend fortement !
Qu’en est-il du niveau d’impact de l’entreprise sur le sujet ?
A-t-elle des engagements structurants en sa faveur ou n’a-t-elle pas considéré la préservation des ressources naturelles dans sa démarche de réduction d’impacts ?
Au regard de son secteur d’activité – l’agroalimentaire en milieu industriel – les impacts de l’entreprise sont réels : artificialisation des sols par la voirie et les entrepôts, consommation et gestion des eaux, matières premières d’origine végétale et animale… Ainsi, cet enjeu est considéré comme matériel selon les deux échelles d’évaluation : financière et d’impacts.
Un contre-exemple d’enjeu non-matériel peut être celui relatif à la fin de vie des produits qu’elle propose. L’entreprise produit des gâteaux bretons, qui oserait gâcher un bon sablé ? Si nous retirons la question des emballages dans le périmètre de l’étude, les impacts relatifs à leurs fin de vie est faible et cette fin de vie est par ailleurs plutôt positive pour l’entreprise : plus les sablés sont mangés, plus l’entreprise en propose !
L’exercice de la double matérialité est un outil puissant au service des stratégies d’entreprise – nous vous invitons à renouveler l’exercice de manière annuelle afin d’obtenir une vision précise des enjeux affectant votre organisation et que votre organisation affecte pour viser la performance globale !