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Faire des achats un levier de décarbonation des entreprises et des organisations
Mathieu Tripault
Les achats ont un rôle essentiel à jouer dans la décarbonation de nos entreprises. C’est notamment par le fameux « Scope 3 » — celui des émissions indirectes liées à nos fournisseurs — que tout se joue. Mais entre la complexité de la mesure, les limites des méthodes actuelles (comme les ratios monétaires) et la nécessité d’embarquer toute la chaîne d’approvisionnement, le chemin peut sembler flou. Pourtant, des solutions existent. Je vous propose de les explorer ensemble.

Décarboner les achats : savoir d’où on part pour se fixer des objectifs
Lors du calcul des émissions de gaz à effet de serre, l’impact des achats de biens et de services doit être calculé en multipliant le nombre de produits ou services commandés par les émissions de gaz à effet de serre du produit ou service. Ces données ne sont pas toujours calculées par vos fournisseurs, ce qui rend l’opération de calcul des émissions de gaz à effet de serre plus difficile.
Mesurer plus précisément les émissions liées aux achats
En l’absence de ces données, ce sont, par défaut, des ratios monétaires qui sont utilisés. Ces ratios sont calculés par l’ADEME et donnent un poids en termes d’équivalent CO2 par millier d’euros dépensé. Par exemple, pour 1 000 € d’achats de produits métallurgiques, cela correspond à 990 kg d’équivalent CO2.
Cette méthode a l’avantage de donner des ordres de grandeur dans le bilan totale mais elle reste très imprécise. En effet, ces ratios monétaires se basent sur une compilation de données à grande échelle et sur des hypothèses de fabrication des produits ou de réalisation des services parfois éloignées de votre quotidien et de celui de vos fournisseurs.
De plus, l’utilisation des ratios monétaires limite les leviers en matière de décarbonation des achats. En effet, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre avec l’utilisation des ratios monétaires, il est possible :
- Soit de réduire l’impact total sur la famille d’achat considérée. Les ratios sont calculés par l’ADEME, vous n’avez donc aucune maitrise sur cet aspect et vous restez dépendant des hausses ou baisses du ratio sur la base de facteurs externes. Ni vous ni vos fournisseurs n’avez de levier sur ce point
- Soit de réduire le montant des achats. S’agissant de la deuxième composante pour le calcul du produit total, vous avez la main sur ce point mais cela reste très réducteur et peut aller à l’encontre de la stratégie de l’entreprise.
La première étape de la décarbonation des achats d’une entreprise ou organisation consiste donc à avoir une mesure plus précise des émissions de gaz à effet de serre de ses achats. Il est donc nécessaire, pour pouvoir décarboner vos achats, de connaitre les émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service acheté.
Impliquer les fournisseurs : la clé pour affiner l’empreinte carbone
Pour cela, il est nécessaire d’associer vos fournisseurs et votre chaine d’approvisionnement. En effet, ce sont vos fournisseurs qui disposent des données et informations relatives à la composition des produits ainsi qu’à leurs modes de production et de fabrication. Ce sont ces données qui sont utilisées pour calculer le poids carbone de votre achat.
Une étape intermédiaire, afin d’avoir une vision un peu plus fine de l’impact des achats, est de demander à vos fournisseurs leur propre bilan des émissions de gaz à effet de serre et de prendre un pourcentage de ces émissions basé sur le pourcentage de vos dépenses par rapport au chiffre d’affaires du fournisseur. Par exemple, si votre fournisseur génère 6000 tonnes d’équivalent CO2 et que vos achats représentent 10% de son chiffre d’affaires, vous pouvez considérer que vos achats auprès de ce fournisseur émettent 600 tonnes d’équivalent CO2.
Cette méthode ne rentre pas dans le calcul de vos émissions de gaz à effet de serre mais vous permet d’avoir des ordres de grandeurs plus fiables que les ratios monétaires. En revanche, elle partage les mêmes inconvénients que celle utilisant les ratios dans la mesure où vos leviers d’actions sont plus limités.
L’effet bonus de cette analyse, c’est que cela vous permet également de mesurer le taux de dépendance de vos fournisseurs.

Embarquer sa chaine d’approvisionnement dans la décarbonation
L’embarquement de la chaine d’approvisionnement passe par plusieurs étapes :
- Sensibiliser ses fournisseurs stratégiques sur la nécessité d’agir.
- Recueillir les émissions de gaz à effet de serre de vos fournisseurs
- Isoler les émissions de gaz à effet de serre liées aux produits et services achetés
- Identifier les leviers d’impact les plus importants
L’objectif de la sensibilisation des fournisseurs est que chacun d’entre eux est conscience des objectifs de cette démarche et de la nécessité de s’embarquer dans la décarbonation de la chaine d’approvisionnement.
Vous pouvez utiliser des ressources de sensibilisation disponibles en ligne ou bien créer pour vos fournisseurs des modules et outils de sensibilisation propres à votre entreprise ou à votre secteur d’activité. En envoyant les mêmes ressources à tous vos fournisseurs, vous leur permettez d’avoir un niveau de connaissance et un vocabulaire commun pour appréhender le sujet et ses enjeux.
Si vos fournisseurs n’ont pas réalisé leur bilan des émissions de gaz à effet de serre, la première étape est qu’il le réalise sur un périmètre similaire pour tous vos fournisseurs, en intégrant les éléments du Scope 3 notamment. Cette étape est un préalable à l’identification des émissions de gaz à effet de serre liées aux produits et services achetés.
Identifier les leviers d’actions à fort impact dans le cycle de vie des produits
Les leviers pour engager la décarbonation des achats sont plus visibles à partir du moment où il est possible d’avoir la décomposition des émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service acheté selon les étapes de son cycle de vie. Cette analyse permet de savoir quelle est l’étape du cycle de vie la plus émettrice et donc de pouvoir mettre en place des leviers d’actions avec vos fournisseurs qui ont le plus d’impact.
Par exemple, pour des produits aluminium, une des étapes du cycle de vie la plus émettrice de gaz à effet de serre est l’étape de transformation de la matière première, la bauxite, en aluminium. Lors de sa transformation, la matière subie une étape d’électrolyse fortement consommatrice d’électricité. Un moyen de réduire les émissions liées à la fabrication de l’aluminium, sans modifier le processus de fabrication, est donc de changer le type d’énergie utilisée. Cela passe soit :
- Par l’utilisation d’énergies renouvelables
- Par la relocalisation du processus pour utiliser un mix énergétique moins carboné (énergies renouvelables + nucléaire notamment)
Travailler en partenariat avec ses fournisseurs pour décarboner
Le premier travail d’analyse permet de faire ressortir des pistes et des axes de travail auprès des fournisseurs. Une fois ces axes de travail identifiés, c’est en travaillant de manière partenariale auprès de vos fournisseurs que les solutions alternatives décarbonées pourront émerger.
Sur certains produits, il est également possible de se tourner vers de nouveaux fournisseurs alternatifs proposant ses solutions décarbonées, en les intégrant potentiellement de manière progressive dans vos achats.
Vers une logique d’impact plutôt que de ratio
Enfin, le fait de passer d’une logique de ratios à une logique d’impact du produit ou du service permet de travailler également plus facilement sur la question des quantités. Si j’achète moins de produits, plus durables mais qui coutent plus cher à l’achat, je peux me retrouver avec un volume financier d’achats qui augmente et donc des émissions de gaz à effet de serre qui augmentent avec la méthode des ratios. Or, si les émissions de gaz à effet de serre du produit sont moins importantes, voire équivalente, mes émissions réelles baissent si je commande moins de quantités.
L’allongement de la durée de vie des produits ou l’achat de produits issus de l’économie circulaire permettent également de réduire les émissions de gaz à effet de serre des achats.
Et maintenant, on y va ?
Décarboner ses achats, ce n’est pas une mission impossible. C’est une aventure collective, pleine de bon sens, d’innovation et de coopération avec ses fournisseurs. Chaque action compte : mieux mesurer, mieux choisir, mieux dialoguer. En changeant notre manière d’acheter, on peut faire évoluer nos pratiques… et notre impact. Alors, pourquoi attendre ?
Mathieu Tripault, Responsable Pôle Achat Public & Achats Responsables – Agence Déclic
Sources :
Solution des achats responsables – C3D
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