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Qu'est-ce qu'un bon prix en restauration collective ? (EPISODE 3 : Qu’est-ce qu’un prix juste en restauration collective ?)

Bon, on espère ne pas vous avoir perdu dans l’épisode 2 avec toutes ces histoires de Saint-Thomas D’Aquin, d’Aristote, de Philippe Risoli, d’équité versus justice, de prix juste et de prix acceptable dont on ne sait pas vraiment s’ils peuvent être comparés…

 

Au final, qu’est-ce qu’un juste prix en restauration collective ?

Cette question fait intervenir plusieurs notions :

1/ La valeur. A la fois la valeur qui est représentée dans l’échange (le bien ou le service que je reçois représente une valeur pour moi) mais aussi la question de la répartition de la valeur, relative à la logique de justice distributive.

2/ La justice. Le prix juste est l’expression des justices commutative et distributive que nous avons détaillé en épisode 2.

3/ L’équité. Qui est une forme d’expression de la justice distributive.

 

Concrètement, je fais comment ?

La notion d’équité est intégrée dans le cadre de la commande publique. En effet, la réforme des marchés publics entrée en vigueur au 1er avril 2016 a intégré un nouveau critère relatif à la prise en compte de la rémunération équitable des producteurs. Bien que ne s’adressant pas directement aux producteurs souhaitant répondre aux besoins des acheteurs publics, ce critère est un premier pas vers un prix juste, à condition de bien le définir et l’analyser.

La rémunération équitable du producteur, quant à elle, fait écho à la loi du 2 août 2005 qui définit le commerce équitable de la manière suivante : « Le commerce équitable a pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique, au moyen de relations commerciales avec un acheteur, qui satisfont aux conditions suivantes :

1° Un engagement entre les parties au contrat sur une durée permettant de limiter l’impact des aléas économiques subis par ces travailleurs, qui ne peut être inférieure à trois ans ;

2° Le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d’une identification des coûts de production et d’une négociation équilibrée entre les parties au contrat ;

3° L’octroi par l’acheteur d’un montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs, en complément du prix d’achat ou intégré dans le prix, visant à renforcer les capacités et l’autonomisation des travailleurs et de leur organisation.

Les deux autres notions, valeur et justice, ne sont pas aussi distinctement reprises dans les textes de la commande publique.

De plus, plusieurs situations rendent difficile la prise en compte d’un prix juste pour les marchés de restauration collective.

Tout d’abord, l’interdiction de vente à perte n’est pas applicable dans le cadre des marchés publics. De ce fait, certains fournisseurs peuvent être tentés de « casser les prix » pour être certains d’emporter le marché. La notion d’offre anormalement basse pourrait permettre de contrebalancer cette stratégie, mais elle est très difficile à mettre en œuvre de manière opérationnelle.

Ensuite, la protection du secret des affaires par la commande publique ne permet pas une réelle transparence sur les prix. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que pour un besoin récurrent, ce qui est le cas de la restauration collective, la transmission à des tiers du bordereau de prix du candidat titulaire était contraire au principe de protection du secret industriel et commercial (devenu secret des affaires depuis).

Dès lors, en l’absence de réelle réflexion de la part de l’acheteur, la commande publique ne permet pas de garantir un prix juste. Ce point rejoint les réflexions précédentes sur l’acceptabilité du prix. Celui-ci va dépendre de ce qui est important pour l’acheteur. D’où l’importance de bien déterminer ses besoins en amont.

Pour conclure, comment déterminer un bon prix en restauration collective ?

Ce qui nous parait évident, au regard de tous les éléments analysés dans les 3 épisodes qui composent notre réflexion, c’est qu’un bon prix en restauration collective n’est pas nécessairement le prix le moins cher.

Un responsable du restaurant scolaire peut se demander comment passer, dans les marchés publics, de la notion d’offre / de contrepartie (et in fine de prix) la moins disante à l’offre la mieux disante ?

La notion d’offre la mieux disante est inscrite dans les textes relatifs à la commande publique sous la dénomination « d’offre économiquement la plus avantageuse ». Les textes précisent d’ailleurs à ce propos que les acheteurs ont l’obligation de retenir les offres économiquement les plus avantageuses.

Pour mieux comprendre, analysons ces deux notions : « économiquement » et « la plus avantageuse ».

L’analyse « d’économiquement » ne porte pas uniquement sur le prix final, celui effectivement payé. Elle doit intégrer d’autres éléments, tels que la qualité, les impacts sociaux et environnementaux, etc. qui vont servir à l’acheteur pour analyser les offres, les hiérarchiser, se questionner sur l’acceptabilité du prix et sur ce qui est important selon les besoins définis en amont.

La notion « la plus avantageuse » nécessite de prendre l’offre permettant de bénéficier du plus d’avantages. Mais quels sont-ils ? Et comment les mesurer ? Cela rejoint les considérations relatives à la valeur, qui font parties de la notion de prix juste. Ces avantages découlent également des réflexions des acheteurs sur l’acceptabilité du prix. L’analyse des avantages doit permettre de mesurer ce qui compte vraiment. Mais pour avoir les bonnes réponses, il est important de poser les bonnes questions aux fournisseurs. Ces interrogations sont donc les fruits de la question suivante, à laquelle chacun y apportera sa réponse : Pour vous, qu’est ce qui compte vraiment ?

 

Voilà, c’est fini.

Nous espérons vous avoir permis de mieux comprendre les concepts relatifs au prix, à sa composition, à ses contreparties. Nous espérons vous avoir donné des clés pour mieux choisir en toute connaissance des éléments composant les marchés publics.

Ce que nous pouvons regretter, c’est que les réflexions sur le prix juste en restauration collective n’ont jusqu’ici porté que sur le prix juste à payer aux fournisseurs, voire directement au producteur.

Qu’en est-il pour les consommateurs ? Cette question rejoint l’exemple de la multiplicité des politiques tarifaires appliquées par les communes dans le cadre de la restauration scolaire. Mais ceci est un autre sujet à traiter. Un jour peut-être !

 

Retrouvez les épisodes précédents :

Episode 1 – Qu’est-ce qu’un prix ? Quels sont les éléments qui le composent ?

Episode 2 – Qu’est-ce qu’un prix juste ? Qu’est-ce qu’un prix acceptable ?

 

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