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Marchés publics : la commission d'appel d'offres (CAO) existe-t-elle encore ?

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La commande publique est en plein changement depuis quelques années déjà et elle continue à travers différents lois, décrets ou encore arrêtés.

Dans l’imaginaire de certaines entreprises, les offres présentées sont examinées par une commission, qui fait la pluie et le beau temps sur les attributions : la commission d’appel d’offres.

Cela a pu être le cas par le passé, notamment au sein des collectivités locales, mais qu’en est-il aujourd’hui ?

Qui dit réforme de la commande publique, dit réforme de la commission d’appel d’offres (CAO). Cette dernière est un « organe chargé […] d’examiner les candidatures et les offres et d’attribuer » les marchés publics[1]. Concernant les changements qu’a subi la CAO, il est possible de citer notamment les compétences. En effet, depuis la réforme de la commande publique, de nouvelles évolutions ont vu le jour. Nous allons retracer les différentes évolutions depuis la réforme de 2014 à ce jour.

L’évolution de la Commission d’appels d’offres

La réforme relative aux contrats de la commande publique a cherché à introduire « une plus grande souplesse des règles relatives au fonctionnement de la CAO »[2] et a permis de renforcer « le rôle d’appui, d’analyse et de conseil qui appartient au service acheteur »[3].

Les évolutions de la CAO ont commencé avec la réforme des contrats de la commande publique et elles ont continué récemment avec la loi du 23 novembre 2018, dite loi ELAN[4].

L’article L1414-2 du CGCT dans sa rédaction au 1er avril 2016 dispose « pour les marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens mentionnés à l’article 42 de l’ordonnance […] le titulaire est choisi par une commission d’appel d’offres ». Cet article vise plusieurs procédures formalisées qui sont les suivantes : procédure d’appel d’offres (ouverte ou restreinte), la procédure concurrentielle avec négociation, la procédure négociée avec mise en concurrence préalable et la procédure du dialogue compétitif.

Cette rédaction induit plusieurs conséquences, concernant la compétence de la CAO. En effet, cette instance n’a pas d’obligation de se réunir pour les cas suivants :

– Les marchés publics dont la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils des procédures formalisées ;

– Les « petits lots »[5] ;

– Les marchés publics exclus du champ d’application des marchés publics,

– Les marchés publics passés en procédure adaptée et cela quelle que soit la valeur estimée du besoin (marchés publics de services sociaux et autres services spécifiques, marchés publics de services de représentation juridique)[6] ;

– Les marchés publics passés selon la procédure sans publicité ni mise en concurrence des articles R. 2122-1 à R.2122-11 du Code de la commande publique.

Cette vision, ces règles ont été modifiées par la loi ELAN. Cette dernière va encore plus loin. En effet, son article 69 a changé la rédaction de l’article L1414-2 du CGCT qui dispose désormais « pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens qui figurent en annexe du code de la commande publique, […], le titulaire est choisi par une commission d’appel d’offres […] ».

Cela signifie, que la CAO, pour les collectivités territoriales, attribue les lots qui chacun est égal ou supérieur aux seuils européens et qui est passé selon une procédure formalisée.

Une question se pose alors : quid du contrôle démocratique ?

Au vu des montants des procédures formalisées, il y a déjà peu de CAO notamment pour les collectivités de petite et moyenne taille, sauf à décider en interne de passer en CAO d’autres marchés publics ou de réunir une « commission marchés ».

Avec cette disposition, il y aura encore moins de CAO car il est rare d’avoir un lot dans une consultation qui dépasse à lui seul le seuil de procédure formalisée, à moins qu’il s’agisse d’un lot unique.

Par exemple, pour un marché public de travaux, le seuil pour une procédure formalisée est de 5 548 000€ HT. Dans quel marché, peut-on trouver un lot avec ce montant ?

De même, pour un marché de denrées alimentaires, le seuil pour une procédure formalisée est de 221 000€ HT. Il est rare qu’un lot atteigne ce montant.

Il est vrai que certains lots dans certaines consultations peuvent atteindre ces seuils. Cependant, cette situation est relativement rare. La question se pose quant au rôle des élus et de leur implication dans les décisions d’attributions, si plus aucun marché (ou peu) ne passe en CAO.

Le rôle d’une CAO et de ses membres est de vérifier, contrôler que l’analyse, qui a été faite des réponses des opérateurs économiques, a été réalisée dans le respect des principes de la commande publique.

Il semble que la CAO se vide de sa substance, de sa compétence en matière d’examen des candidatures et des offres.

Il appartiendra donc aux collectivités de prévoir en interne les règles permettant :

– Soit respecter strictement la nouvelle règlementation

– Soit d’aller plus loin que la règlementation.

Aux vues de différentes évolutions règlementaires, se dirigeons-nous vers une souplesse des règles ou vers une disparition de la CAO ?

Quel est l’avenir de la CAO ?

Quel futur pour la Commission d’appel d’offres ?

Avec l’évolution de la réglementation ainsi opérée, il est possible de s’imaginer une autre forme de CAO. En effet, si les élus ont de moins en moins le droit au chapitre dans les décisions d’attribution des marchés, alors qui peut contrôler que l’analyse réalisée soit conforme aux principes de la commande publique, en dehors du contrôle de légalité par le représentant de l’Etat[7] ?

Pourquoi pas les parties prenantes de l’achat, c’est-à-dire les citoyens, les entreprises, les usagers etc. ? Leur implication dans le fonctionnement des collectivités est de plus en plus importante avec les budgets participatifs, les appels à projets, la concertation, etc. Alors pourquoi pas, une commission d’appel d’offres mixte ? Une CAO réunissant des élus mais également des parties prenantes volontaires, soucieux de l’intérêt général ?

Cette CAO sera réunie lors de l’attribution de certains marchés, mais comment déterminer ces derniers :

– Par un seuil ? Au risque de certains projets ayant des conséquences importantes sur les parties prenantes ne soient pas contrôlés ?

– Par une pétition pour réclamer une CAO mixte ?

– Par le type de projet ? La CAO serait réunie pour les projets qui ont une influence importante ? Encore faut-il arriver à définir la notion d’ « influence importante ».

Il n’est pas interdit de réfléchir sur le rôle de la commission d’appels d’offres et encore plus sur son fonctionnement car nous ne savons pas de quoi demain est fait !

Par exemple, la 27ème Région via son programme Les Eclaireurs a imaginé un jury citoyen qui prendrait part « activement aux différentes étapes d’un achat rendu ainsi plus démocratique ».

N’hésitez pas à nous partager votre vision personnelle de la CAO du futur. Il est permis de rêver !

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La CAO du futur vue par Julie :

Je trouverais intéressant que soit constitué un groupe de pilotage « achat public » au sein de chaque structure soumise à la réglementation des marchés publics. Pour une collectivité locale, il serait constitué d’élus et d’agents par exemple. Pour une SA HLM, la direction et les principaux services acheteurs par exemple.

Ce groupe de pilotage se réunirait une à 2 fois par an pour examiner les projets d’achat de l’année et décider de ceux qui seront considérés comme « stratégiques ». Ensuite, une Commission « achat stratégique » serait constituée pour chacun de ces projets. Elle serait composée des parties prenantes de l’achat en question : élus, agents, usagers, opérateurs économiques. Bien sûr, un opérateur économique faisant partie de la CAO ne pourra pas répondre à la consultation et les informations qu’il recevra seront protégées par le secret des affaires. Le rôle de ses membres, s’assurer que le projet d’achat a été mené en cohérence avec la politique d’achat de la structure, les principes fondamentaux de la commande publique. Et tout cela sans créer une usine à gaz, bien sûr ;-)

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La CAO du futur vue par Mathieu :

Les évolutions récentes de la CAO démontrent une fois de plus une tendance de plus en plus forte ces dernières années. Cette tendance tend à faire en sorte que la décision d’attribution d’un marché public revienne de moins en moins aux personnes qui prennent les décisions (élus dans les collectivités locales, direction pour les autres acheteurs publics) au profit des personnes qui achètent les biens et les services. Autrement dit, la décision d’attribution sort du champ politique (au sens gestion du bien commun), porté par les élus et les directions, pour rentrer dans un champ plus technique, celui des services opérationnels et des services acheteurs.

La CAO du futur aurait donc pour objectif d’inverser la tendance jusqu’alors observée (le « technique » défini le besoin et le « politique » attribue le marché) en intégrant les membres de cette nouvelle CAO à la définition du besoin.

La CAO participerait, pour les achats stratégiques au regard de la planification des achats, à la définition du besoin. Son rôle serait de questionner les services prescripteurs sur le besoin (est-ce utile ? Durable ?) et sur les modalités de sélection des candidats (qu’est ce qui fait un bon achat ?).

Ce faisant, le « politique » définirait le besoin là où le « technique » attribuerait le marché.

Afin d’avoir une vision globale de la politique d’achat de la structure, la CAO serait constituée de toutes les parties prenantes à l’achat pendant une durée de 2 ou 3 ans. Cette durée permet de garantir un équilibre entre une durée suffisamment longue pour mettre en place une relation de travail dynamique et efficace et suffisamment courte pour permettre un renouvellement et l’intégration de nouvelles idées.

 

[1] http://www.acheteurs-publics.com/marches-publics-encyclopedie/commission-d-appel-d-offres-cao

[2] Fiche DAJ – L’intervention de la commission d’appel d’offres dans le cadre des procédures d’attribution des marchés publics : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marchhttps://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/preparation-procedure/intervention-CAO-attribution-marches-publics-2016.pdfes_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/preparation-procedure/intervention-CAO-attribution-marches-publics-2016.pdf

[3] Idem.

[4] Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

[5] Article R.2123-1 du Code de la commande publique : « L’acheteur peut recourir à une procédure adaptée pour passer :

[…] 2° Un lot d’un marché alloti dont le montant total est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée et qui remplit les deux conditions suivantes :

  1. a) La valeur estimée de chaque lot concerné est inférieure à 80 000 euros hors taxes pour des fournitures ou des services ou à 1 million d’euros hors taxes pour des travaux ;
  2. b) Le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots ».

[6] Article R.2123-1 3° et 4° du Code de la commande publique

[7] Préfecture qui ne contrôle pas tous les marchés publics qui sont transmis au contrôle de légalité.

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