Encore un guide sur l’approvisionnement local dans la restauration scolaire (vu le nombre de guide existants, on devrait y arriver ;-)). Toutefois, nous vous le recommandons car il est très bien fait, pratico-pratique et surtout pas démagogique. Il se garde bien de relayer les fausses bonnes idées de type bilan carbone. Merci l’AMF !
S’approvisionner localement, tout un savoir-faire
Il est possible de favoriser une agriculture locale de qualité par les achats publics de la restauration collective. Mais cela suppose de respecter un cadre juridique précis.
Les collectivités, conscientes des enjeux majeurs que l’approvisionnement local concentre, en matière environnementale, économique, sociale, sanitaire, éducative, culturelle, se mobilisent en ce sens… Il s’agit de soutenir l’économie locale, de favoriser les productions respectueuses de l’environnement, d’offrir une alimentation de qualité dans le cadre de la restauration collective dans les établissements scolaires ou les résidences pour personnes âgées, etc. Toutefois, la démarche se heurte à des contraintes pratiques et juridiques : s’approvisionner localement demande des connaissances et un savoir-faire. Aider les collectivités locales à mettre en œuvre une telle politique est la raison d’être du vade-mecum publié par l’AMF, l’ADF et l’ARF. Il s’adresse à tous les élus, qu’ils aient, ou pas, dans l’environnement de leur territoire, un bassin de production agricole. Il identifie deux leviers stratégiques : une connaissance fine de l’offre agricole disponible localement, et l’utilisation avertie des possibilités offertes par le droit des marchés publics. Les collectivités y puiseront de précieux éclairages juridico-pratiques, inspirés de retours d’expériences concrets. Ce document propose en outre aux élus l’adoption d’une charte de valorisation des patrimoines culinaires et agricoles (voir encadré)
LE CADRE CONTRAIGNANT DES MARCHÉS PUBLICS
Il faut rappeler que le droit européen et le droit national des marchés publics prohibent toute préférence nationale ou locale, en tant que telle, dans les marchés publics. Cette interdiction découle des principes fondamentaux de la commande publique : liberté d’accès aux marchés publics, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures. Il existe néanmoins des leviers opérationnels pour concilier l’interdiction du favoritisme local avec l’ambition de valoriser les produits et savoir-faire locaux de qualité, de faciliter l’accès des fournisseurs de proximité aux marchés publics et, plus généralement, de prendre en compte des exigences de développement durable. La mise en œuvre de ces leviers n’appelle pas de solution unique, car chaque marché de fourniture de denrées alimentaires est le résultat d’un arbitrage dépendant étroitement du contexte territorial, des besoins propres de la collectivité et de son niveau d’objectifs. Toutefois, on observe que les facteurs communs de réussite reposent sur deux piliers : la communication avec les acteurs des filières agricoles, et la simplification du cahier des charges.
LA DÉFINITION DES BESOINS : UNE ÉTAPE STRATÉGIQUE
- Une définition réaliste des besoins passe par une analyse de l’offre agricole locale :
Connaissance du bassin de production, organisation des filières, producteurs, transformateurs, distributeurs, capacités de production, variétés et volumes disponibles, caractéristiques techniques des produits (modes de production, entre autres…). Le vade-mecum délivre des pistes pour se renseigner sur ces aspects et liste des outils permettant de connaître la teneur de l’offre locale.
- L’article 30 de l’ordonnance relative aux marchés publics du 23 juillet 2015
énonce que « la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminés avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, social et environnementale ». Là encore, le vade-mecum détaille un ensemble d’éléments pouvant être pris en compte pour baser l’évaluation des besoins et adapter en conséquence les exigences du cahier des charges.
- S’agissant des seuils de passation des marchés, le vade-mecum rappelle les règles posées par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics.
L’acheteur doit procéder à une estimation sincère des besoins, en prenant en compte la valeur totale des fournitures pouvant être considérées comme « homogènes ». Il raisonnera par famille d’achat en calculant, pour chacune, le montant total des dépenses sur une année afin de déterminer la procédure de passation à mettre en œuvre. Étant entendu qu’il est prohibé de fractionner les familles d’achat de façon à échapper aux obligations de publicité et de mise en concurrence (interdiction du « saucissonnage »). En cas de marché alloti, le calcul s’effectue en additionnant le montant prévisionnel de chaque lot sur la durée du marché. En cas de procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables (valeur estimative inférieure à 25 000 € HT), l’acheteur doit veiller, comme le précise l’article 30 du décret du25mars 2016, « à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics, et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ».
LA RÉDACTION DES DOCUMENTS DE LA CONSULTATION
Plusieurs mécanismes permettent de faciliter l’achat de produits de proximité. Le vade-mecum s’emploie à détailler ces différentes étapes et options, et donne une multitude de conseils pour la rédaction des documents de la consultation.
- L’allotissement constitue un levier important pour faciliter l’accès des fournisseurs de produits locaux aux marchés publics. Pour se faire, il doit être établi de façon à correspondre aux besoins de la collectivité, ainsi qu’à la nature et l’étendue de l’offre de produits identifiée sur le territoire. Le guide distingue plusieurs options pour ajuster finement la taille et la composition des lots, de façon « classique » ou plus audacieuse, en donnant des exemples.
- La rédaction du cahier des charges. Le cahier des charges (juridiquement le cahier de clauses techniques particulières) est la traduction technique de la définition préalable des besoins. Il décrit les produits commandés et formalise les engagements du titulaire. Le niveau d’exigence doit être adapté à la capacité administrative des fournisseurs locaux d’établir une offre : un cahier des charges très ambitieux impliquera, pour les opérateurs, un travail conséquent de justification dans le mémoire technique, qui pourrait s’avérer contre-productif pour les fournisseurs locaux peu aguerris. Une façon de faciliter très concrètement l’approvisionnement local est de faire des marchés assez simples pour que les petits producteurs, souvent très éloignés de la commande publique, ne soient pas noyés parla charge administrative. Le conseil est donc de veiller à ce que le cahier des charges comporte des clauses proportionnées sur les caractéristiques des produits commandés et sur les conditions d’exécution du marché. Pour cela, la connaissance de l’offre s’avère évidemment essentielle. Le vade-mecum fournit des exemples et des indications pour aider à aborder ces éléments. Pour mémoire, l’acheteur ne peut exiger en tant que tel, dans son cahier des charges, que les produits aient une origine déterminée. En conséquence, il ne peut demander que les produits présentent obligatoirement un signe de qualité lié à une origine géographique particulière (AOC, AOP, IGP). En revanche, rien ne s’oppose à ce qu’il valorise l’existence de signes de qualité des produits (label rouge, mention AB, etc.), à la condition d’accepter des produits présentant des exigences équivalentes.
- Le choix des critères de jugement des offres.
L’évaluation de la qualité et la comparaison des offres se fait au regard de critères d’attribution prédéterminés et préalablement publiés dans les documents de la consultation. S’ils sont librement choisis, ils doivent être non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Là encore, le vade-mecum fournit force détails sur les critères pouvant être retenus. En rappelant au passage que le critère « circuit court » valorise les offres proposant le moins d’intermédiaires entre le producteur et la collectivité acheteuse (un circuit court n’est pas nécessairement synonyme de proximité géographique). Le guide détaille également les limites de l’usage du critère « bilan carbone ».
Ann-Charlotte BÉRARD-WALSH et Fabienne NEDEY