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Pourquoi favoriser les PME dans les marchés publics n’est pas une bonne idée ?

En ces temps de campagne électorale, de bonnes intentions politiques etc, l’Agence Déclic a aimé et souhaite partager avec vous cet article, paru sur http://www.lagazettedescommunes.com le 02/09/2016.

« De la propagande politique à l’efficacité de la commande publique locale »

Arnaud Montebourg a relancé le 21 août la polémique lors de la présentation de son programme de campagne « Projet France ». Pour réindustrialiser la France, il propose de réserver, pour une période de 8 ans, 80 % des marchés publics aux PME installées sur le territoire national. Et d’assumer l’irrégularité manifeste de sa proposition en avançant par anticipation comme défense qu’il vaut mieux payer des pénalités que de voir mourir nos PME… Selon Raphaël Apelbaum, avocat (Lexcase), cette idée n’est ni bonne, ni nécessaire, alors que d’autres pistes existent.

Raphaël Apelbaum, avocat associé chez Lexcase avocats 

L’idée avancée par Arnaud Montebourg n’est pas la bonne. Elle est trompeuse quant à sa faisabilité juridique et donc opérationnelle. Inutile de revenir sur tous les freins juridiques existants étant donné qu’Arnaud Montebourg les a lui-même exposés alors qu’il était Ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique : principe de non-discrimination, égalité de traitement des candidats, interdiction de l’achat local, etc. Ces promesses s’opposent frontalement aux anciennes comme aux nouvelles directives de l’Union européenne relatives aux marchés publics lesquelles interdisent le « localisme », c’est-à-dire le fait de favoriser un candidat plutôt qu’un autre selon un critère de nationalité ou encore selon un critère de proximité géographique.

L’idée n’est pas bonne non plus car elle s’inscrit dans une démarche théorique et politicienne, alors que le sujet est financier, opérationnel, pratique : réserver  les marchés publics aux PME françaises, c’est ensuite la porte ouverte vers la mort du marché commun. Autrement dit, la mort de l’Europe. A court terme cela n’est pas réalisable à moins d’envisager carrément un Frexit… Autre débat, autre temps.

L’idée n’est pas nécessaire car les PME n’ont pas besoin d’être « en dehors » de la mise concurrence de la commande publique. Bien au contraire, l’Etat doit permettre au PME de pouvoir rivaliser avec leurs concurrents, et ce, dans un cadre d’égalité de traitement et non de favoritisme à leur égard. Il faut arrêter de vouloir mettre des béquilles pour apprendre à marcher.

Mais dépassons les critiques, soyons citoyens, soyons « Made in France » et trouvons des solutions ensemble pour renforcer la présence des PME dans la commande publique à la française. Car si l’Idée d’Arnaud Montebourg n’est pas bonne, le sujet d’une meilleure participation des PME aux marchés publics demeure toujours d’actualité en France.

Le constat : la moitié des marchés publics représentant un quart de la dépense

Selon l’Observatoire économique de l’achat public (OEAP)(3), la part des PME(4) au sein des marchés publics représente :

  • 27 % de l’achat public en terme de montant, soit environ 19 milliards d’euros (sur les 70 milliards d’euros d’achat public dépensés en 2013) ;
  • 58% des marchés publics en terme de montant, soit environ 52.000 marché publics (sur les 90.000 conclus en 2013)

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Attention : on le souligne, les statistiques de l’OEAP sont à prendre avec réserves car le recensement des marchés publics a toujours été mal organisé et peu suivi en France. En outre, si les PME ne sont pas attributaires des marchés publics, elles peuvent néanmoins y participer en tant que sous-traitants de grands groupes sans toutefois que cette participation ne soit recensée précisément.

Ces statistiques, pour imparfaites qu’elles soient, nous apprennent néanmoins que la moitié des marchés publics est gagnée par des PME mais que ces marchés sont conclus pour de faibles montants puisqu’ils ne représentent qu’un peu plus d’un quart de l’achat public. Par ailleurs, les marchés publics de l’Etat et des opérateurs de réseaux (GrDF, La Poste, CPCU, etc.) sont les plus « hermétiques » pour les PME. Ce sont les grands groupes qui profitent le plus de ces deux segments de l’achat public (environ 30 milliards d’euros). Mais comme le travail de recensement n’est pas parfait, on peut aisément penser que les chiffres réels seraient dans les faits encore plus favorables aux PME. 

Les vraies questions concernant les PME et la commande publique

Pour promouvoir efficacement les PME, il est nécessaire de poser les bonnes questions et d’identifier le vrai problème.

 – Trop de marchés publics seraient attribués à des grands groupes ?

On l’a vu, les chiffres ne sont pas si catastrophiques pour les PME et les statistiques officielles sont à prendre avec prudence : en dessous du seuil de 90 000 euros, le radar ne voit pas grand chose et donc ne nous dit pas tout. La présence des PME se faisant surtout au niveau local et en procédure adaptée, on peut très fortement penser que les chiffres au niveau local ne sont pas si mauvais pour les procédures adaptées.

Par ailleurs, et par le biais de la sous-traitance, les PME participent indirectement aux marchés publics remportés par les grands groupes. Néanmoins, on constate encore sur le terrain que trop souvent les PME et TPE ne participent pas aux procédures de la commande publique. Sans participer, il est évident qu’on ne peut gagner…

 – Alors il y a encore trop de PME découragées de candidater ? VRAI

On constate en effet que l’accès des PME aux marchés publics est plus difficile du fait du déficit d’information, de la lourdeur administrative liée à la participation à une telle procédure, du manque de communication entre acheteurs et entreprises. Le vrai problème n’est pas tant d’attribuer des marchés publics aux PME mais plutôt de faciliter et simplifier la participation des PME à la commande publique. 

Cinq réponses à apporter

La réforme de la commande publique (5) met déjà à disposition des acheteurs publics de nombreux outils en faveur de la candidature des PME. Il s’agit d’outils juridiques comme l’encadrement de la pratique des consultations techniques préalables entre acheteurs et entreprises, le renforcement de l’exigence d’allotissement, la fixation d’une part minimale du contrat à confier à des PME(6) (10 % pour les marchés de partenariat et pour les concessions). Mais aussi d’outils non juridiques comme l’utilisation de procédures MPS (Marché public simplifié) ou la fin de l’exigence de la signature des candidatures et des offres.

Plutôt qu’une énième réforme des textes en matière de commande publique, il nous apparaît plus utile de fluidifier, de faciliter, de libérer les relations PME/acheteurs publics.

Nous faisons quatre propositions en ce sens :

1-  Centraliser à l’échelle locale des publications des avis de procédures adaptées.

En-dessous des seuils des procédures formalisées, nous avons en France une véritable jungle des modalités et support de publication. On s’y perd….L’article 34 du décret du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics n’organise pas cette jungle puisque l’acheteur public « choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public ».

Au-delà du seuil de 90 000 euros HT, la jungle continue car l’acheteur doit publier soit au BOAMP soit dans un Journal d’annonces légales (JAL). Considérant que nous avons aujourd’hui plus de 600 JAL en France, on ne peut pas dire que l’identification des opportunités de ventes au secteur public soit des plus simples. Certes les outils de veille existent et on dira que le gérant de la PME locale lit toujours les annonces Marchés de la Gazette locale, mais cela n’est pas le cas, cela n’est pas la réalité du terrain…

Les PME sont souvent bien en peine pour identifier les opportunités de marchés publics. Il faudrait pouvoir recenser, par une entité publique locale, les avis publiés à l’échelle des communes et des établissements publics locaux. En donnant à la Région la mission de contribuer au développement économique, le législateur a fait de cette collectivité l’entité idoine pour centraliser les différents avis de procédures adaptées. La jungle des JAL peut continuer car le lobby de la presse en garde les portes mais une centralisation des avis sur un site internet public dédié à l’échelle d’un territoire serait un outil formidable pour mieux diffuser les avis de marchés et les opportunités d’affaires avec le secteur public.

2-  Lancer  des appels à manifestation d’intérêt réguliers de la part des acheteurs publics locaux.

A l’échelle d’un territoire, une bonne pratique consisterait à demander aux acheteurs publics (collectivités, EPCI, établissements publics locaux) de lister les catégories d’achats MAPA (sans plus de précision quand aux volumes) susceptibles d’être lancées sur les 12 prochains mois en suivant simplement la classification CPV. Ce recensement du besoin macro économique devrait ensuite être diffusé sous la forme d’une note d’information aux CCI, Chambres des métiers Chambre d’agriculture, Organisations professionnelles puis relayer auprès des PME locales.

3 – Organiser des permanences « Marchés Publics »

Le renforcement de la participation des PME aux marchés publics passe par un accompagnement opérationnel afin d’aider les opérateurs économiques a se familiariser avec un univers business ayant mauvaise réputation : trop complexe, trop éloigné…

Il faut proposer des ateliers dédiés à « Comment répondre aux appels d’offres sur mon Territoire » afin qu’acheteurs et PME se rencontrent. Les CCI, Chambre des métiers, syndicats professionnels et autres associations sont les bienvenues pour prendre part active à ces permanences avec les pouvoirs adjudicateurs présents sur leur territoire… ou encore des cabinets d’avocats spécialisés !

4 –  Simplifier les cadres de réponse aux marchés publics

Une fois l’avis identifié, les informations et documents demandés au stade des candidatures et des offres sont parfois encore trop complexes. Les dossiers de candidatures doivent être simplifiés et les informations demandées au stade des offres également.

Est-ce que le fameux mémoire technique est toujours nécessaire si le CCTP est suffisamment précis ? L’idée n’est pas de revenir sur un mécanisme d’adjudication qui d’ailleurs ne serait possible que pour l’achat de services ou de fournitures standardisés (article 62-II, décret 28 mars 2016). Mais il faut limiter de manière drastique les efforts rédactionnels demandés aux candidats. L’utilisation de questionnaire technique peut par exemple être un outil de simplification intéressant.

Il faut favoriser des Règlement de consultation courts, avec des paginations plus claires, favoriser le recours au mécanisme MPS, favoriser l’envoi de candidatures et offres non signées en MAPA… Autrement dit, simplifier.

5 – Renforcer le respect des délais de paiement et sensibiliser les acteurs  publics et privés de la commande publique sur les règles

Il faut encourager à la fois les acteurs publics à respecter les délais de paiement et les PME à mieux connaître les règles en la matière pour demander leur respect et les intérêts associés en cas de retard. On le sait des progrès substantiels ont été réalisés ces dernières années mais les efforts ne sont pas terminés.

Les travaux et actions de l’Observatoire des délais de paiement sous la nouvelle impulsion de Jeanne-Marie Prost devront guider et continuer à promouvoir les bonnes pratiques et le respect des règles sur ce sujet clé de l’économie des PME dans les marchés publics.

La participation des PME à la commande publique est une priorité et en ce sens, le discours d’Arnaud Montebourg le rappelle. En revanche, les réponses à apporter ne résident certainement pas dans une exonération de concurrence au profit des PME installées en France. Il faut alors se concentrer sur le renforcement de l’accès des PME aux marchés publics qui s’accompagnera par  des échanges facilités et simplifiés entre PME et acheteurs publics. 

Source : http://www.lagazettedescommunes.com/458523/de-la-propagande-politique-a-lefficacite-de-la-commande-publique-locale/

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