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Les partenariats gravitant autour de la commande publique : Episode I – L’appel à projets

La réforme de la commande publique opérée depuis 2014 a largement contribué à placer cette matière sur le devant de la scène. Ainsi, forts de cette mise en lumière, les marchés publics jouent un rôle de plus en plus important, d’autant plus avec l’obligation de dématérialisation. Néanmoins, il existe en coulisses d’autres outils qui ne demandent qu’à briller. C’est le cas de l’appel à projets.

Si l’appel à projets constitue un outil au service des acteurs publics, il n’en demeure pas moins une notion difficile à appréhender. Bien qu’aucune définition légale n’existe à ce jour, il peut être défini comme un « dispositif par lequel une personne publique invite des tiers à présenter des projets pouvant répondre aux objectifs généraux qu’elle définit, tout en leur laissant l’initiative du contenu, de la mise en œuvre et des objectifs particuliers qui y sont attachés »[1].

À la lecture de cette définition, plusieurs points sont à retenir :

  • L’initiative de l’appel à projets revient exclusivement à la personne publique. Elle se contente de fixer un cadre général avec une thématique et un objectif. Elle a détecté une problématique, mais elle n’a pas défini la solution attendue. Elle n’a pas de besoin clairement identifié.
  • Le projet quant à lui est à l’initiative des tiers[2]. C’est le tiers qui doit être à la conception, à la définition des prestations à réaliser et à financer. Dans l’hypothèse où le projet est en réalité à l’initiative de la personne publique, l’appel à projets sera requalifié en contrat de la commande publique[3].
  • En aucun cas la personne publique ne doit chercher à satisfaire son propre besoin. Autrement dit, la personne publique ne doit pas avoir d’intérêt direct dans la réalisation du projet. Elle s’assure uniquement de l’attractivité de son territoire en suscitant une initiative privée de qualité. Dans le cas contraire, la personne publique s’expose à un risque de requalification. Par exemple, risque de requalification de l’appel à projet dès que celui-ci, même s’il est mis en œuvre par le tiers, s’inscrit dans le champ de compétences de la collectivité, ou entend satisfaire les besoins des administrés. Risque de requalification également lorsqu’il existe une corrélation entre la valeur de la prestation en termes économique et le montant de la contrepartie.

Une fois ces différents éléments de définition présentés, il est intéressant de les mettre en pratique par l’intermédiaire de plusieurs situations.

Prenons le cas d’un appel à projet ayant pour objet la vente d’un terrain à un promoteur. Effectivement, un appel à projets peut voir le jour afin de sélectionner un projet répondant au mieux aux contraintes et objectifs que la personne publique suit elle-même plus largement, par le biais de la vente mais à la seule condition que le terrain fasse partie du domaine privé et non public de la personne publique. Par ailleurs, cet exemple est d’autant plus pertinent que la conclusion d’un contrat de vente immobilière se trouve exclu du champ d’application de la commande publique. En effet, « Aucune disposition législative non plus qu’aucun principe général ne fait obligation à une commune de recourir à l’adjudication préalablement à la cession d’un bien immobilier lui appartement »[4].

En conséquence, il est tout à fait possible d’inviter des porteurs de projet immobilier à présenter leurs projets, sur tel terrain, en vue de la vente de ce dernier, sans que cela ne soit un contrat de la commande publique[5]. Ainsi, il peut être opportun pour la personne publique de faire un appel à projet dans le but de vendre un de ses terrains pour la construction d’un bâtiment et se louer par la même occasion une partie des locaux. Cela est possible puisqu’un bail consenti par une personne privée à une personne publique ne revêt pas le caractère de contrat administratif[6].

Après avoir vu comment se concrétise l’appel à projets dans la pratique, il convient de s’attarder désormais sur la procédure qui encadre ce procédé.

En matière de procédure, il convient de distinguer deux cas : les appels à projets des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et les autres appels à projets.

En dehors du cas des ESSMS, la publicité et la mise en concurrence des appels à projets ne sont pas définies. Donc, la personne publique connaît une véritable liberté dans la manière de procéder. Néanmoins, dans le but d’avoir une diversité de projets et une marge de manœuvre dans le choix du porteur dudit projet, il peut être bénéfique d’effectuer une publicité.

S’agissant des ESSMS, la loi du 21 juillet 2009, dite loi HPST définit les appels à projets comme la forme de droit commun pour obtenir des autorisations de projets de création, de transformation et d’extension importante lorsque les ESSMS font appel à des financements publics. Depuis la loi de 2009, des précisions sur le régime des appels à projets ont été apportées. La procédure des appels à projets pour les ESSMS se rapproche de la procédure des contrats de la commande publique sur certains points :

  • Un cahier des charges détaillé (avec des mentions obligatoires) ;
  • La publication d’un avis d’appel à projets ;
  • L’application des principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures.

De plus, il est nécessaire qu’une commission soit créée afin qu’elle donne un avis, même si celui-ci ne lie pas l’autorité décisionnaire.

Tous ces éléments témoignent de l’importance que représentent les appels à projets. Même s’il est vrai qu’en comparaison aux contrats de la commande publique, ils occupent souvent une place secondaire, il ne faut toutefois pas les négliger. En effet, ils apportent une nouvelle interprétation des partenariats entre les acteurs publics et privés… et qui sait peut-être un jour remporteront-ils un oscar !

[1] Circulaire du 18 janvier 2018 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations

[2] CE, avis, 18 mai 2004, n°370169

[3] CE, 23 mai 2011, Commune de Six-Four-les-Plages

[4] CE, 26 octobre 1994, Monier

[5] Le juge a considéré, à propos d’un contrat de cession à la suite d’un appel à projet pour la réalisation d’un programme immobilier à vocation commerciale, que l’intérêt économique direct ne pouvait être « caractérisé par sa seule intention de favoriser le développement économique du centre-ville » (CAA Lyon, 4 juillet 2013, Société Apsys / Commune de Moulins).

[6] Tribunal des Conflits, 17 octobre 2011

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